La question de l'annotation

Les discussions préliminaires sur l'écriture collaborative font systématiquement ressortir une problématique d'annotation (personnelle et collaborative). Ce sujet pourrait donc également faire partie du projet.

Notion de chaîne lectoriale

Dans le cadre du projet POLIESC, Thomas Bottini pose la notion de chaîne lectoriale «qui identifie et articule les classes d'opérations sur lesquelles repose le cheminement critique tel qu'il est convoqué par les pratiques de lecture critique». Ci-après le schéma qu'il propose :

chaineLectoriale

Référence : Instrumenter la lecture critique multimédia, Thomas Bottini, Thèse de doctorat, Université de Technologie de Compiègne, 2010.

Notion de chaîne édito-lectoriale

Thomas Bottini est principalement intéressé par les questions de lecture individuelle, mais sa contribution peut être interrogée dans le cadre plus large des dimensions collaboratives : Le concept de chaîne lectoriale entre en résonance avec celui de chaîne éditoriale. Dans les deux cas il s'agit de guider le processus, d'écriture ou de lecture, en s'appuyant d'une part sur les spécificités du numériques (fragmenter/combiner, structurer/planifier, etc.) et d'autres part sur les usages éditoriaux/lectoriaux. L'enjeu est la maîtrise du numérique, au sens de la bonne pratique et de la mise à profit de ses spécificités pour l'action (intellectuelle en l'occurrence). La lecture et l'écriture sont par nature intimement liées, et le caractère holiste du numérique tend à effacer la frontière matérielle entre les deux actes, aussi les deux chaînes ont vocation à fusionner dans un concept unique de chaîne « édito-lectoriale ».

L'idée générale que les pratiques de lecture/annotation précédent et succèdent aux pratiques d'écriture/publication.

Il y a certainement un enjeu dans le cadre de c2m à traiter cette question de la chaîne édito-lectoriale, soit pour l'instrumenter, soit pour délimiter les frontières et articulation d'une approche exclusivement éditoriale (a priori la dimension lecture/annotation étant pas ou peu exprimée dans le projet initial).

Questions préliminaires

De nombreuses questions se posent a priori autour de ce concept, en voici quelques unes : (NB : on prendra annoté au sens très large de traces de lecture : notes, parcours, segmentations, liens, etc.) :

  • La lecture est-elle publiable ?

    Étant donné un contenu annoté, existe-t-il deux publications de natures différentes : la publication au sens éditorial et classique du terme (production d'un document[1]) et une autre publication, qui serait une publication de ma lecture, qui à vocation à être une ressource pour prolonger un travail intellectuel, mais qui n'a pas le statut de document au sens stricte (pas scénarisé, pas d'intention auctoriale, etc.) ? Ce serait une publication au sens de la mise en forme de ma pensée, mais pour moi, voire pour un collectif qui me ressemble (une communauté de pratique). En quoi n'est-elle pas une forme publiée[2] parmi d'autres ?

  • Les annotations sont-elle partageables ?

    Le partage d'annotations a-t-il du sens (voir la question précédente), une annotation est-elle toujours individuelle ou peut-elle être publiée - rendue publique - pour le collectif ? En particulier cela est-il compatible avec le (faible) niveau de formalisation d'annotations pour soi, ou au contraire est-ce que cela correspond au niveau dont j'aurais besoin pour un usage largement différé dans le temps (lorsque j'aurai oublié tout ou partie du contexte de leur production) ? Est ce qu'un exercice d'appropriation est compatible avec un exercice d'enrichissement (consistant à rendre intelligible pour d'autres) ?

  • Comment s'articulent les modèles documentaires d'annotation et d'écriture ?

    Il serait intéressant de voir où commencent, se terminent et s'articulent les modèles documentaire[3] liés à la lecture et à l'écriture. En particulier les modèles d'annotation sont-ils, comme les modèle d'écriture, contextuels au métier ou bien ont-ils une valeur de généralité plus grande ? Quels en sont les invariants ?

  • Les annotation doivent elles être pérennisées ?

    La question précédente peut se prolonger avec la notion de document-dossier[4] : Les (ou certaines) annotations font-elles partie du dossier, au sens où elle deviendrait un élément constitutif du document ? Plus généralement les annotations sont-elles seulement des gloses contextuelle dont le cycle de vie est lié à une activité (relecture, réédition, etc.) ou bien des éléments d'intelligibilité pérennes dont le cycle de vie est celui du document ?

    La publication de la lecture est-elle le seul résultat à pérenniser, ou bien les résultats intermédiaires (notes, agrégats, etc.) ont-il vocation à être gardés et à garder du sens (pour moi, voire pour ma communauté) ?

  • Lire pour publier est-il la même chose que lire pour lire ?

    Par exemple, dans le cadre de la production de webradio enrichie (GRM et Radio France) : soit un enseignant de musique voulant faire une émission de webradio, il a besoin d'abord d'annoter et de segmenter ses flux (et enrichissements) pour s'approprier (lire, comprendre, préparer, etc.) ; mais il a pour objectif final de produire une publication à publier pour un public (redondance volontaire).

    Sa pratique - lire pour publier - est-elle la même que lire pour comprendre (pour soi). Avoir un objectif éditorial influe-t-il sur la pratique lectoriale et/ou sur les modalités appropriation ? Corollaire : dois-je imaginer deux type de dispositifs critiques ?

  • Les annotations sont-elles les prémisses de l'écriture ?

    Les processus d'écriture s'appuient-ils sur les annotations uniquement en tant que mémoire d'une lecture ou bien plus profondément en tant que prémisses d'une nouvelle écriture ? Est-ce qu'il y a rupture entre la lecture et l'écriture (ou la réécriture) ou bien le processus d'écriture est-il un "raffinement progressif" des annotations (sélection, formalisation, explicitation, etc.) ?

  • (liste non exhaustive)

1 seule chaîne "édito-lectoriale" ou bien 2 chaînes lectoriales et éditoriales ?

Les réponses à ces questions influent certainement sur l'idée d'une chaîne édito-lectoriale unifiée où chaque étape serait de la lecture et de l'écriture et où la lecture/annotation se prolonge en écriture/publication ; ou bien de deux chaînes très articulées mais correspondant à deux postures distinctes : comprendre (pour soi) ou dire (pour d'autres), avec solution de continuité entre les deux.

Les questions portent alors sur les continuités et ruptures d'une part, les identités et différences d'autre part, dans les 2 processus.

Pris par exemple sous l'angle des modèles, voici différentes approches, que techniquement on peut exprimer par :

  • Différence (modèle) et rupture (contenu) : Des modèles d'annotation et des modèles d'écriture différents et un passage manuel entre les 2 mondes (une réécriture manuelle pour changer le contenu et le conformer à un modèle propre à l'écriture)

  • Différence (modèle) et continuité (contenu) : Des modèles d'annotation et des modèles d'écriture différents et un passage automatisé entre les 2 mondes (une transformation pour changer le modèle du contenu et passer dans un modèle d'écriture, mais sur la base du contenu des annotations issues du modèle de lecture)

  • Identité (modèle) et continuité (contenu) : Des modèles d'annotation et des modèles d'écriture identiques et une évolution du contenu (une évolution du contenu et de la structure XML, mais pas du modèle).